IMAGINAIRE DES VOLCANS DANS L’ANTIQUITE - 7

Publié le par latin-au-lycee-stella

La condamnation morale

 

Les êtres associés au volcan sont souvent mauvais. La noirceur de la fumée qu’ils crachent est souvent le symbole de l’obscurité de leur âme. C’est pourquoi, le thème de l’aveuglement est fréquent dans leur cas.

 

Virgile dans L’Enéide et Ovide dans Les Fastes opposent le voleur Cacus à Hercule. On sera attentif à l’aspect volcanique du personnage. La victoire d’Hercule sera lue comme celle de la raison sur la force brutale, celle du bien sur le mal.

 

« [Cacus], voyant qu'il ne lui reste aucun moyen de fuir le péril, vomit par sa bouche, ô merveille ! une immense fumée, enveloppe son repaire d'une obscurité aveuglante qui l'arrache aux regards ; il amasse sous son antre une nuit fumeuse où se mêlent des feux et des ténèbres. »

 

« On en vient aux mains, et c'est Cacus qui engage le premier le combat, menant l'affaire, farouche à coups de pierres et de troncs d'arbres. Lorsqu'il voit cela il n'obtient aucun résultat, il a recours, dans sa faiblesse, aux artifices de son père et il vomit des flammes de sa bouche sonore ; chaque fois qu'il les exhale, on croirait que c'est Typhée qui souffle et qu'un rapide éclair est lancé du foyer de l'Etna »

 

  hercule cacus2

 

 

Chez Ammien Marcellin, l’arrivée des barbares dans l’Empire est comparée à une éruption volcanique ou un raz-de-marée.

 

« En ce temps-là, tandis que les digues de notre frontière étaient ouvertes, et que la barbarie répandait ses colonnes en armes telles les cendres de l'Etna »

 

« Les Goths temporisaient délibérément, pour que [...] la troupe, brûlée par la chaleur de l'été, s'affaiblît – la gorge desséchée dans l'étendue des plaines, où scintillaient les incendies allumés par l'ennemi [...] Et le combat, se développant comme une flamme, épouvantait l'âme des soldats [...] Puis, s'entrechoquant tels des navires de leurs éperons, et se repoussant tour à tour, les armées furent ballottées comme par une houle ; et [...] notre aile gauche, accablée par la foule des ennemis, fut écrasée et renversée comme par l'effondrement d'une grande digue. [...] Voilé par la poussière, le ciel se déroba aux regards, mais retentissait de cris horribles [...] Les combattants s'abattaient les uns les autres, les corps couvraient le sol, et les plaines s'emplirent de tués [...]Enfin le sang confondait tout en un sombre spectacle, sous tous les regards s'entassaient des monceaux de victimes, et l'on piétinait sans ménagement les cadavres des morts. »

 

 

La violence des sentiments

 

Chez Pindare le volcan a un sens politique. Il représente la violence aveugle qu’il faut dompter pour imposer l’ordre. Le dieu qui vainc Typhon représente le bon souverain. Chez Eschyle également, la colère sourde du volcan représente les opposants à Hiéron, tyran de Syracuse en Sicile. On ne sera donc pas surpris de voir une représentation d’Encelade maîtrisé dans les jardins du château de Versailles.

 

gardens-versailles-fontaine encelade

 

 

Chez Théocrite, le volcan permet de symboliser la violence du désir. Son personnage est le cyclope, amoureux de Galatée. Il vante alors à la nymphe marine la beauté de l’Etna où il vit.

 

« Laisse la mer glauque bouillonner contre le rivage : tu passeras la nuit de façon plus agréable dans mon antre à mes côtés. Il y a là des lauriers, il y a des cyprès élancés, il y a du lierre noir, il y a la vigne aux doux fruits, il y a de l'eau fraîche que l'Etna couvert d'arbres m'envoie de sa blanche neige comme divine boisson. Qui pourrait, à ces biens, préférer habiter la mer et les flots ? »

 

cyclops

 

 

Les éléments décrits symbolisent le Cyclope et son désir. L’immense cyclope velu est tel l'Etna, montagne que recouvre une riche végétation. Les cyprès élancés rappellent les appétits sexuels de Polyphème. Le poète travaille un oxymore raffiné opposant le froid sur l’Etna au feu intérieur dont le cyclope est la proie. Mais l’évocation du volcan permet de mieux faire comprendre la force de cet amour. Le feu intérieur est aussi le symbole de l’inspiration. En effet, chez Théocrite le cyclope est un poète. Il parle d’amour à Galatée. On retrouve l’ambivalence fondamentale du cyclope qui conjugue violence primitive (du désir sexuel ici) et maîtrise du feu créateur (la forge est remplacée par la poésie).

 

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Les images de l'incendie, du gouffre et de l'engloutissement permettent de figurer les passions qui embrasent l'âme humaine et la détruisent. Le volcan peut symboliser le furor amoureux ou guerrier.

 

Le pouvoir de la création

 

Le volcan a un symbolisme positif quand on s’intéresse aux images de la forge, en relation avec la création (technique, artistique, magique). De son feu sortent des armes dont l’éclat est comparé à celui du soleil, une force positive. Ainsi les armes d’Enée sont pour Virgile comparables « à la nuée d’azur embrasée d’un soleil dont elle projette au loin les rayons ».

 

 


Publié dans Autour des volcans

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